BARFRAY Études des frayères et déplacements des bars européens

Identifier les principales frayères de la population de bar européen et à comprendre leurs relations dynamiques avec les nourriceries et les zones d'alimentation des adultes

Résumé du projet

Le projet Barfray vise à identifier les principales frayères de la population de bar européen et à comprendre leurs relations dynamiques avec les nourriceries et les zones d’alimentation des adultes. C’est un enjeu majeur pour la compréhension de la dynamique spatio-temporelle de la population. Ce projet s’appuie notamment sur les connaissances récemment acquises par l’Ifremer dans le cadre de l’action marquage du projet Bargip et en exploite une base unique d’échantillons (otolithes, écailles, tissus des bars marqués).

Lors du projet Bargip, 1220 bars ont été marqués avec des marques électroniques enregistrant la pression et la température jusqu’à deux ans. Depuis, 482 marques ont été récupérées. Nous avons pu améliorer le modèle de géolocalisation et reconstruire les trajectoires individuelles. Leur analyse montre que le bar est une espèce partiellement migratrice avec des individus sédentaires et d’autres migrants. Nous avons pu confirmer des processus de fidélité aux zones de frai hivernales et d’alimentation estivales, et montrer qu’une majorité des individus du nord Bretagne (i.e. Audierne, Saint Quay) migrait vers le golfe de Gascogne pour se reproduire.

L’analyse de la microchimie des otolithes n’a pas pu déterminer les drivers de la migration génésique. Nous ne savons toujours pas s’il s’agit d’un « homing » natal ou d’un processus d’apprentissage social. Cependant nous avons pu montrer qu’à partir de la signature élémentaire des otolithes, les phénomènes de fidélité aux zones de frai sont présents au-delà des années de marquage.

Tous les individus marqués ont été analysés génétiquement à partir d’échantillons de nageoire caudale prélevés lors du marquage. Concernant la structure de population, deux sous-populations de bar démographiquement indépendante ont été identifiées. La discontinuité génétique les séparant varie saisonnièrement. Elle se situe au niveau de la presqu’ile du Cotentin en été, et au niveau de la pointe Bretonne en hiver. La majorité des individus se situant en Manche Ouest en été se reproduirait donc en hiver avec les individus du golfe de Gascogne.

Par ailleurs, un modèle mécaniste, couplant bioénergétique et hydrodynamique, a été développé pour quantifier la connectivité entre les zones de frai et de nourricerie. L’idée est d’évaluer la connectivité en utilisant des dérives réalistes d’oeufs et de larves à partir de zones de frai caractérisées par des données de pêche géolocalisées (données VMS). Les patrons de connectivité montrent une relative séparation entre Manche Est et Manche Ouest. Les résultats sont cohérents avec les travaux britanniques publiés. La pointe Bretagne est alimentée en larves provenant de la Gironde jusqu’à la Manche Ouest. Les dérives montrent aussi une forte variation interannuelle (année chaude vs froide) qui pourrait expliquer des variations dans le recrutement. Des couples frayères-nourriceries d’importance ont pu être identifiés et pourraient faire l’objet de mesure de protection.

Une opération de marquage a également été menée sur une frayère près des côtes de Gironde. 321 bars ont été marqués et relâchés. Il y a eu un faible taux de recapture. Les résultats sont statistiquement peu significatifs, néanmoins nous avons pu montrer une diffusion des individus marqués vers le nord du golfe de Gascogne: de la Gironde jusqu’à la pointe du Raz.

Finalement, d’un point de vue gestion, les résultats du projet Barfray questionnent le fonctionnement actuel des modèles d’évaluation des stocks par le CIEM, en particulier 1) la gestion indépendante des stocks nord et golfe de Gascogne, et 2) la pertinence de la délimitation au 48ème parallèle nord.

Contexte

Le bar européen (Dicentrarchus labrax) est une espèce d’une grande valeur culturelle et économique, qui est ciblée par les pêcheurs commerciaux et récréatifs. Cette espèce se distribue dans l’océan Atlantique nord-est, du Maroc à l’Écosse et à la Norvège, dans la mer Noire et dans la mer Méditerranée. Une expansion de la population de bars vers le nord a été récemment signalée le long de la côte norvégienne et dans la mer Baltique. Elle est probablement liée au changement climatique.

L’évaluation de l’état de la population pour la gestion de la pêche porte actuellement sur quatre stocks :
1) un stock nord comprend la mer d’Irlande, la mer Celtique, la Manche et le sud de la mer du Nord (divisions CIEM IVb-c et VIIa,d-h)
2) un stock ouest de l’Écosse et de l’Irlande (divisions CIEM VIa et VIIb,j)
3) un stock golfe de Gascogne (divisions CIEM VIIIa-b)
4) un stock entourant la péninsule ibérique (divisions CIEM VIIIc, IXa).

La pression croissante de la pêche et le faible recrutement de juvéniles assurant le renouvellement du stock ont suscité des inquiétudes quant à l’état du stock nord, ce qui a conduit la Commission européenne à prendre des mesures de protection d’urgence depuis 2015 pour faire face à au grave déclin de ce stock.

Objectifs

La délimitation des stocks de bar résulte principalement de considérations pratiques et a permis de réaliser les premières évaluations quantitatives du stock nord en 2012. Toutefois, les experts ont souligné, de manière récurrente le manque de preuves biologiques à l’appui de cette délimitation et ont insisté sur la nécessité de poursuivre les recherches sur la structure de la population. C’est pourquoi le projet Bargip (2014-2017), puis le projet Barfray (2017-2021) ont été initiés.

  • Identifier les principales frayères de la population de bar européen
  • Comprendre leurs relations dynamiques avec les nourriceries et les zones d'alimentation des adultes

Méthodologie

Le projet Barfray a été mis en oeuvre autour de 3 actions complémentaires :

  • L’identification et la caractérisation des frayères principales et l’analyse des relations frayères – nourriceries.
  • Le fonctionnement des frayères et l’analyse des relations frayères – zones d’alimentation.
  • L’analyse de la diversité des zones d’alimentation contribuant aux frayères principales.

L’Ifremer était responsable de la première action. Elle a été réalisée par une étudiante en thèse, Chloé Dambrine, qui a été recrutée en octobre 2017. Cette étudiante, encadrée par 3 chercheurs Ifremer (M. Woillez, M. Huret et H. de Pontual, directrice de thèse) a soutenu sa thèse le 04/12/2020. L’ifremer était responsable de la deuxième action dont certaines tâches ont été réalisées en collaboration avec des partenaires extérieurs : F. Daverat de l’Inrae et E. Le Luherne (post-doc Ifremer/Inrae), et P.-A. Gagnaire de l’Institut des Sciences de l’Evolution – Montpellier (CNRS-ISEM UMR5554). L’Ifremer et le CNPMEM étaient co-responsables de la dernière action, au cours de laquelle une opération de marquage a été réalisé avec l’aide du Black and White (IO 787321) et du Pulsar (IO 777537), tous deux basés à La Cotinière (Ile d’Oléron).

Résultats

Les résultats principaux du projet Barfray remettent en cause le fonctionnement actuel des modèles d’évaluation des stocks par le CIEM. En particulier, ils questionnent la gestion indépendante des stocks nord et golfe de Gascogne (il existe des échanges entre les deux stocks dont le taux est inconnu) et la pertinence de la délimitation au 48e parallèle Nord.

Il apparait nécessaire de proposer un benchmark au groupe de travail pour évaluer les conséquences d’un changement de délimitation des stocks ou d’échanges entre stocks. Les outils et les connaissances acquises pourront également servir à tester des mesures de protection, par exemple sur les frayères ou les nourriceries.

Perspectives

Pour répondre à la question du « homing », il faudrait mettre en place des échantillonnages in situ des oeufs et larves avec une campagne dédiée. Pour affiner les simulations de dérives larvaires, il faudrait correctement échantillonner sur nourriceries les âge 0, et mieux comprendre le comportement des larves (nage, tropismes). Des travaux futurs pourraient s’intéresser aux mouvements des juvéniles de bars jusqu’à leur première reproduction. D’un point de vue gestion à long terme, des approches de modélisation couplant des scénarios de gestion et changement climatique pourraient être menées.

Thématique du projet

Connaissance des ressources et des écosystèmes

Statut du projet

Terminé : 01/05/2017 - 20/06/2021

Porteur du projet

IFREMER BRESTIFREMER BREST

Partenaire

CNPMEMCNPMEM

Financeurs

France Filière PêcheFrance Filière Pêche

Union Européenne - FEAMPUnion Européenne - FEAMP