Le projet SAUT s’est intéressé à rechercher les causes ayant mené à la très forte diminution des débarquements de tourteaux en France
Résumé du projet
Le projet SAUT, projet à Enjeux immédiats, s’est intéressé à rechercher les causes ayant mené à la très forte diminution des débarquements de tourteau en France. L’objectif premier de ce travail était de rechercher les causes possibles de cette évolution parmi lesquelles la présence d’un ou de plusieurs organismes pathogènes.
Le montage du projet s’est fait suite à la connaissance des travaux en 2020 et 2021 d’une équipe anglaise ayant identifié un organisme pathogène comme potentielle cause de cette situation, celui-ci entraînant une forte mortalité des individus porteurs. Le projet SAUT avait pour objectif d’établir si cette piste était valide pour les eaux françaises et de pouvoir mesurer l’ampleur de la problématique et la positionner dans un contexte général plus large en lien avec le changement climatique et la durabilité économique de certaines pêcheries.
Contexte
La pêcherie française de tourteau est le fait de plusieurs flottilles avec une production annuelle qui fluctuait globalement entre 5000 et 6000 tonnes jusqu’en 2017. Cette production est assurée à plus de 80% par la flottille des caseyeurs et plus particulièrement les navires hauturiers de plus de 20 mètres qui travaillent dans toute la Manche Ouest et dans le Nord du golfe de Gascogne. Ces navires hauturiers qui étaient au nombre de 12 à 13 navires durant une longue période débarquaient de 50 à 60% de la production nationale en ciblant uniquement le tourteau lors de marées d’une semaine à 10 jours entre avril et mi-décembre. Les autres crustacés ne sont que rarement recherchés par cette flottille hauturière, excepté en hiver pour le homard.
Les autres caseyeurs ont une activité plus côtière avec des sorties à la journée où ils ciblent beaucoup plus le homard au printemps et en été et le tourteau en automne, depuis Boulogne sur Mer jusque Noirmoutier. Parmi ces navires, certains sont des caseyeurs purs, ne mettant en œuvre que le casier alors que d’autres sont polyvalents, déployant plusieurs engins pour cibler une multitude d’espèces.
Aussi, la baisse d’abondance en tourteau s’est faite ressentir économiquement d’une manière très variable selon les flottilles. L’année 2022 n’a malheureusement pas dérogé à la tendance observée depuis 2017 et les débarquements n’ont pas cessé de diminuer. Ainsi, la flottille hauturière dont la dépendance au tourteau est proche de 100 % n’a pas pu faire face à l’accentuation de cette situation et 9 navires ont arrêté leur activité. La production de 2022 a juste atteint les 1700 tonnes.
Cette situation de diminution de la production en tourteau par les flottilles françaises a été subie par l’ensemble des navires ciblant plus ou moins le tourteau et quelle que soit la zone du littoral en Manche et Atlantique. Dans un premier temps, cette diminution a été en partie compensée par le prix de vente qui selon les marchés avait doublé.
Les premières discussions ou analyses avec les pêcheurs en zone côtière ou au large laissaient suggérer une baisse du recrutement. En effet, les jeunes tourteaux non commercialisables (taille < aux 140 mm de la taille minimale de capture) étant très côtiers, il s’agit principalement des pêcheurs de homard le long de la côte qui les observent dans leurs captures. Ces derniers ont ainsi observé une forte diminution de ces jeunes tourteaux, qu’ils remettent à l’eau. La baisse de recrutement d’une espèce peut être attribuable à plusieurs facteurs (modification de la dérive des larves, absence de nourrir, modification de la qualité du milieu ou épizooties).
Objectifs
- Identifier les facteurs de diminutions des rendements de tourteaux des caseyeurs français
Méthodologie
Les travaux menés dans le cadre du projet SAUT ont porté sur la présence éventuelle d’organismes pathogènes pouvant être associés à cette diminution des stocks. Pour cela, les partenaires du projet (CDPMEM 29, Ifremer Brest et La Tremblade) ont acquis une expertise pour obtenir les premiers résultats.
Aussi, la première étape a consisté à établir en laboratoire un protocole permettant de réaliser des analyses histologiques et moléculaires. Dans un premier temps, la liste des tissus à prélever sur les individus échantillonnés a été établie, le mode opératoire pour fixer et préparer ces tissus définis et des lames dites de référence pour identifier les organismes pathogènes ont été obtenues auprès du laboratoire anglais du CEFAS, Weymouth. Cette équipe est à l’origine de la majorité des travaux sur les maladies des crustacés en Manche.
Parallèlement, un travail de bibliographie a permis de lister les principaux organismes pathogènes décrits chez les tourteaux parmi lesquels des parasites protistes, des microsporidies, des levures et des virus.
Les discussions avec les pêcheurs ont permis d’établir les zones où la présence d’animaux semblant « malades » ou « faibles » était importante afin d’obtenir des échantillons. L’objectif fut d’obtenir des individus issus de Manche ouest et du nord du golfe de Gascogne.
Résultats
Un total de 77 tourteaux a pu être obtenu. Ce chiffre est un peu en deçà de ce que l’on souhaitait initialement. Mais il tient compte du temps de mise en œuvre pour acquérir l’expertise nécessaire à l’analyse des coupes de tissus (échanges avec les collègues anglais) et il tient compte de l’évolution de la pêcherie au cours de l’année 2022 avec l’arrêt très rapide de nombreux navires ne permettant pas l’obtention des échantillons souhaités.
Les résultats obtenus apportent néanmoins de nombreuses informations. Ainsi, 40% des individus échantillonnés montrent des infiltrations hémocytaires et 60 % des nécroses, ce qui traduit un mauvais état des tissus et donc des individus. Plus précisément, les observations montrent la présence chez 4 individus de foyers bactériens, chez 4 individus des parasites ressemblant à Paramikrocytos canceri, chez un individu des cellules sporulées pouvant faire penser à des haplosporidies mais cette observation n’a pas été confirmée en hybridation in situ. De plus, des individus avaient des caractéristiques extérieures de leur carapace suggérant une infection par Hématodinium sp ou une présence de bactéries. Cependant, le nouveau parasite décrit par les Anglais (Janickina feistii) n’a pour l’instant pas été observé dans les échantillons analysés. Celui-ci a été associé aux mortalités décrites autour de l’Île de Wight mais une étude à une échelle plus large sur les côtes anglaises n’a pas révélé sa présence par ailleurs.
Conclusion
Ce travail qui est en développement pose les bases pour une analyse plus large de la population à partir d’un échantillon représentatif de tous les stades de développement du tourteau ce qui intègre plusieurs zones fonctionnelles. Dans ce projet, nous avons recherché à travailler sur des individus considérés par les pêcheurs comme moribonds, mais il semblerait plus pertinent d’intégrer également dans les analyses des crabes semblant en bonne santé.
Cette première étude a révélé la présence de plusieurs organismes pathogènes pouvant être impliqués pour partie dans la dynamique actuelle de la population de tourteau bien que cette implication ne puisse pas être démontrée à ce stade.
Thématique du projet
Connaissance des ressources et des écosystèmes
Statut du projet
Terminé : 07/07/2021 - 30/11/2022
Porteur du projet
CDPMEM Finistère
Partenaire
IFREMER
Financeur
France Filière Pêche