LIGA

Amélioration des connaissances et compréhension des conditions d'apparition du mucilage marin "liga" sur les côtes basques afin de mieux les appréhender et de diminuer leurs impacts sur les filets de pêche.

Mots-clés : mucilages marins, liga, impacts sur la pêche, côte basque

Contexte

Les pêcheurs travaillant à proximité du littoral basque et sud-landais constatent depuis de nombreuses années la présence d’une substance visqueuse, localement appelée « Liga » (du basque ligarda = liquide gluant), colmatant occasionnellement leurs filets de pêche, principalement en fin d’hiver / début du printemps et en fin d’été / début d’automne. Des phénomènes similaires connus sous le nom de mucilages marins sont documentés dans d’autres zones du monde et particulièrement la Méditerranée.

Depuis le milieu des années 2000, le phénomène tend à s’accentuer et à persister tout au long de l’année. Dans ce contexte, le programme de recherche « Liga » a pour objectif de répondre à la demande des marins pêcheurs locaux de comprendre l’apparition du « liga ».

L’étude s’inscrit dans l’axe « Dynamique fonctionnelle du liga » du programme de recherche .

 

Objectifs

  • Déterminer les conditions abiotiques (= non biologiques), les processus et la diversité biologiques impliqués dans l’apparition de mucilages marins sur le littoral basco-landais

Méthodologie

Le programme de recherche « Liga » a débuté le 1er janvier 2013 et se termine le 30 juin 2016.

29 campagnes de prélèvement ont été réalisées entre le 17 avril 2013 et le 19 juin 2014. 3 stations ont échantillonné : deux stations côtières situées de chaque côté de l’embouchure de l’Adour et échantillonnées à pleine mer (Biarritz au Sud et Tarnos au Nord) et 1 station continentale (Adour à Urt) échantillonnée à basse mer.

L’objectif de ces 3 stations est d’une part de caractériser les apports continentaux via l’Adour et d’autre part de comparer deux stations côtières, l’une supposée très impactée par le liga (Biarritz) et l’autre supposée peu impactée par le liga (Tarnos). Les campagnes ont été réalisées selon deux fréquences distinctes : une basse fréquence mensuelle sur les 3 stations afin de déterminer la dynamique saisonnière et une haute fréquence à Biarritz sur les périodes d’apparition du phénomène.

Résultats

Facteurs abiotiques contrôlant l’apparition de mucilages marins

Les conditions hydro-climatiques atypiques rencontrées lors de la période d’étude n’ont pas permis d’établir de liens clairs entre conditions hydro-climatiques, structuration des masses d’eau et présence de mucilages. Toutefois, des corrélations sont clairement établies entre les précurseurs des mucilages que sont les particules exopolymériques transparentes (TEP) et les substances exopolymériques solubles (EPS). En effet, les TEP sont positivement corrélées au débit de l’Adour et les EPS à la présence d’une thermocline et à la température de l’air. A l’inverse, les EPS sont négativement corrélées à la houle.

Sur la période d’étude, l’apparition de mucilages est essentiellement conditionnée par sels nutritifs (Azote, Silice, Phosphates) apportés par l’Adour et nécessaires à la photosynthèse. En effet, les périodes d’apparition de liga sont précédées de périodes d’augmentation des concentrations en sels nutritifs qui témoignent d’apports terrestres. Ceci se traduit par une augmentation de la biomasse phytoplanctonique (Chlorophylle a). Toutefois, le liga apparait lorsque les concentrations en phosphate baissent et le ratio d’azote sur phosphate (N/P) augmente. Ce dernier traduit un déséquilibre de l’écosystème et un stress nutritif probable conduisant à une limitation de la production primaire.

Processus biologiques impliqués dans l’apparition des mucilages marins

Les périodes de liga sont précédées de période d’augmentation de la production primaire ce qui conforte les résultats de chlorophylle. Toutefois, les expérimentations d’enrichissements en sels nutritifs démontrent que l’apparition de liga correspond à une limitation de la production primaire essentiellement par les phosphates. En réponse à ce stress nutritif, certains organismes photosynthétiques peuvent sécréter des EPS. Dans ces périodes de stress nutritif lié à des carences en phosphates, nous constatons une augmentation de la concentration en EPS qui, en général, précède l’augmentation des TEP. En effet, en période de stabilité météorologique et océanographique, les EPS peuvent s’agréger en TEP dans la couche superficielle.

Diversité biologique impliquée dans les mucilages marins

Au niveau de la diversité biologique, la présence de liga dans la colonne d’eau est associée à la présence d’une grande variété d’organismes divers comme les virus, les bactéries, les cyanobactéries, le phytoplancton (pico à micro), le zooplancton (Nano à Méso). Toutefois, l’apparition de liga est essentiellement liée à l’augmentation d’abondance du micro-phytoplancton et plus spécifiquement les diatomées. Sur les périodes de pic de liga, les espèces de diatomées dominantes varient. Il s’agit de Leptocylindrus danicus en juin 2013, de Pseudo-Nitzschia groupe B2 en octobre 2013 et de Thalassiosira gravida en mars 2014. Elles présentent toutes la particularité de vivre en colonies, d’être référencées dans les mucilages apparues dans d’autres zones du monde et connues pour sécréter des EPS en situation de stress nutritif. D’une façon plus générale, sur les pics de liga, les diatomées coloniales représentent 81 à 95 % de l’abondance totale du microphytoplancton, les diatomées qui blooment de 89 à 98 %, les diatomées référencées dans les mucilages de 95 à 99 % et les diatomées sécrétrices d’EPS 85 à 97 %.

Dans une moindre mesure, d’autres groupes d’organismes sont corrélés à la présence de mucilage. Il s’agit des chlorophycées et prymnésiophycées (Phytoplancton), les cyanobactéries et les groupes zooplanctoniques des nanociliés, des appendiculaires et des cnidaires (=méduses).

Rôle du changement local dans l’augmentation d’apparition des mucilages marins

L’analyse de séries chronologiques historiques ont permis de mettre en évidence de nombreux changements climatiques, hydrologiques et biogéochimiques à l’échelle locale. En effet, le changement climatique est essentiellement lié à un réchauffement local des températures, une diminution de la vitesse des vents et un renforcement des vents d’ONO et NNO qui orientent le panache de l’Adour préférentiellement vers le sud, contre la côte basque. Le réchauffement se traduit par une augmentation de la température des eaux de surface. La baisse des vents se traduit par une diminution de la houle.

Par ailleurs, les débits de l’Adour diminuent ce qui a pour conséquence une augmentation de la salinité des eaux côtières. D’autre part, les concentrations en phosphate de l’Adour diminuent alors que les concentrations en azote restent stables ce qui se traduit par une augmentation du ratio N/P des eaux de l’Adour. Cette évolution se traduit en zone côtière par une diminution des stocks de phosphates des eaux de surface et une diminution de la biomasse phytoplanctonique. A l’inverse, les apports d’effluents traités de station d’épuration augmentent en zone côtière. Tandis que leur charge en phosphore total diminue drastiquement, leur charge en azote restent stables ce qui contribue à l’augmentation du ratio N/P de ces effluents.

L’évolution hydro-climatique locale a modifié le milieu physique et biogéochimique côtier ce qui a très certainement contribué à l’augmentation de fréquence et du temps de résidence des mucilages constatée par les marins pêcheurs de la côte basco-landaise depuis le début des années 2000.

Perspectives

Deux principales perspectives résultent du projet :

La première, plutôt théorique, consiste en la mise en place d’un réseau d’observation sur 6 années. Les principaux objectifs sont d’échantillonner les principaux paramètres identifiés dans ce programme 2 fois par mois dans différentes conditions hydro-climatiques, physico-chimiques et biogéochimiques afin de consolider les résultats obtenus et d’améliorer les connaissances sur les mécanismes de formation.

La seconde, plutôt opérationnelle, consiste à prédire l’apparition du phénomène. Les méthodes employées sont le développement d’algorithmes visant à détecter le phénomène à grande échelle par imagerie satellite, sa modélisation mathématique et la validation de terrain. L’objectif ultime de cette perspective est de développer une application Smartphone et/ou internet visant à informer les pêcheurs locaux de la probabilité de présence et de la localisation du phénomène.

Thématique du projet

Connaissance des ressources et des écosystèmes

Statut du projet

Terminé : 01/11/2012 - 20/11/2015

Zone

Golfe de Gascogne

Localisation

côte Basque, Atlantique

Porteur du projet

IMAIMA

Financeur

France Filière PêcheFrance Filière Pêche