Développement d'une méthode alternative d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre de l'ensemble des flottilles de la pêche française
Résumé du projet
L’étude GESPECHE a été mise en oeuvre pour produire une évaluation indépendante des émissions de gaz à effet de serre (GES) par la flotte de pêche française, et comparer les résultats de cette évaluation avec les données soumises par la France dans le Rapport annuel National d’Inventaire au titre de la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques et du Protocol de Kyoto. L’étude GESPECHE a également produit des éléments de réflexion pouvant alimenter la réflexion nationale concernant la révision programmée de la stratégie de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des navires.
Contexte
Les émissions de gaz à effet de serre par la flotte de pêche française figurant dans le rapport national d’inventaire de la France au titre de la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques et du Protocol de Kyoto sont estimées par le CITEPA sur la base des quantités de carburant achetées par les navires de pêche sur le sol français (méthode dite bottom-up). Ce même type de méthode est utilisé par d’autres pays de l’UE comme le Danemark, l’Estonie ou l’Italie. D’autres pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou la Finlande utilisent une méthode différente basée sur l’activité des navires permettant d’estimer les quantités de carburant consommées (méthode dite top-down).
Un premier volet du projet GESPECHE a cherché à appliquer ce type de méthode top-down au cas des navires de pêche français afin de comparer les résultats à ceux obtenus par le CITEPA. La méthode s’est basée sur i) les données publiques sur la puissance motrice installée à bord des navires disponibles pour la flotte de pêche métropolitaine (depuis 1990) et celle des ex-DOM (depuis 1997), ii) les données publiées par le CSTEP sur le niveau d’activité des navires de pêche français par segment de flotte (actifs / inactifs, nombre moyen de jour de mer par an), et iii) sur une série d’hypothèses techniques permettant entre autre d’estimer la consommation horaire moyenne des moteurs par unité de puissance, la durée moyenne d’une sortie en mer, le taux moyen du régime moteur et l’amélioration de la consommation spécifique des moteurs sur la période de référence.
Objectifs
Le projet a développé une méthode alternative d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre qui est maintenant considérée par le CITEPA en remplacement de la méthode utilisée actuellement.
Résultats
Le résultat de la comparaison entre les estimations de CO2 émis faites par cette étude et les estimations de CO2 émis faites par le CITEPA (figure suivante) indiquent une convergence raisonnable des résultats à partir de 2003. Les principales différences apparaissent pour la période 1990-2003 avec les estimations du CITEPA qui dénotent un niveau d’émission relativement constant sur cette période, alors que les estimations de l’étude tendent à indiquer une décroissance relativement sensible de – 24% entre 1990 et 2003.
La flotte de pêche française ayant été soumise à des réductions importantes de capacité à partir de 1990 par divers règlements européens, la décroissance du niveau des émissions de la flotte de pêche française mesurée par notre méthode bottom up semble plus vraisemblable que la stabilité reflétée par la méthode top down du CITEPA. Cette hypothèse est renforcée par le fait que le niveau des émissions d’autres grandes nations de pêche européennes (Espagne, Portugal, Royaume- Uni) soumises aux mêmes objectifs de réduction de capacités avaient baissé dans des proportions comparables à celles mesurée par notre méthode bottom up sur cette période 1900-2003.
L’écart entre les deux estimations a un impact quand on évalue l’évolution des émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’année 1990 choisie comme référence dans le Protocole de Kyoto. D’après les estimations basées sur notre méthode top-down, la réduction atteinte par la flotte française en 2017 par rapport à 1990 serait de -50%, soit au-delà de l’objectif de -40%, alors que la réduction mesurée par les données du CITEPA ne serait que de -29% sur la même période.
Sous l’influence conjuguée du progrès technologique et de l’amélioration de l’état des stocks exploités, l’étude a pu mesurer que l’empreinte carbone de la flotte de pêche française s’est améliorée depuis 1990. La capture d’un kg de poisson conduisait à l’émission de 3,4 kg de CO2 au début des années 1990, contre 2,2 kg de CO2 sur la période 2015-2017, soit une diminution de 30%. Cette réduction reflète l’amélioration de l’efficacité énergétique de la flotte de pêche française. Alors que la consommation d’un litre de carburant conduisait à la capture de 0,80 kg de poisson au début des années 1990, la même quantité de carburant conduit à la capture de 1,36 kg de poisson sur la période récente.
Conclusion
L’encadrement des émissions de gaz à effet de serre de la flotte de pêche française est pour le moment suivi par les Nations Unies. La perspective de placer cet encadrement sous l’égide de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) a fait l’objet d’un second volet de l’étude du fait de la responsabilité dévolue à cette organisation pour l’encadrement des émissions de gaz à effet de serre des flottes de commerce internationale et la révision prochaine de sa stratégie.
La revue des différents bilans publiés par l’OMI sur les émissions de gaz à effet de serre indique que l’organisation ne dispose pas pour le moment de données précise sur le secteur de la pêche du fait en particulier du champ des études limité aux navires de plus de 100 GT (soit 25 m environ) qui dans le cas de la France revient à éliminer 95% du nombre des navires. Un inventaire plus précis de l’OMI sur l’ensemble des flottes de pêche mondiales semble difficile à envisager dans la mesure où environ la moitié de la puissance motrice mondiale se trouve concentrée dans des navires de types artisanaux pour lesquels les dispositifs de suivi sont lacunaires ou inexistants dans un grand nombre de pays en voie de développement.
En termes de résultats, un encadrement par l’OMI risque d’être défavorable à la flotte de pêche française et européenne. Certaines études récentes mettent en effet en évidence que les émissions de gaz à effet de serre des flottes de pêche mondiales ont augmenté sur la période récente sous l’influence de l’augmentation de la capacité de pêche de certains pays, notamment des pays asiatiques. La tendance à la décroissance relevée pour les flottes françaises et européennes est donc très probablement plus qu’annulée par la croissance des émissions par d’autres flottes de pêche. Par ailleurs, la fixation d’objectifs de réduction aux flottes de pêche par rapport à l’année 2008 retenue comme référence par l’OMI ne prendrait pas en compte les réductions déjà atteintes par les flottes de pêche françaises et européennes entre 1990 et 2008.
Perspectives
Le développement de la méthode d’estimation des émissions de gaz à effet de serre s’est appuyé sur des données dans le domaine public et sur un certain nombre d’estimations de paramètres techniques relatifs à l’utilisation et aux performances des moteurs des navires. La méthode pourrait gagner en précision par une estimation plus fine de ces paramètres techniques, dont ceux relatifs au régime des moteurs et aux variations de celui-ci suivant le type d’activité du navire (route / recherche de poissons / pêche). Ces estimations plus fines demanderaient l’utilisation de données qui ne sont pas dans le domaine public.
Thématique du projet
Diminution de l’impact environnemental de la pêche
Statut du projet
Terminé : 01/10/2019 - 29/02/2020
Porteur du projet
UAPF
Financeur
France Filière Pêche