DYNROSE Étude de l’effet de la pêche sur la population de dorade rose et de la faible abondance actuelle du stock sur les pêcheries et le prix au débarquement

Dynamique et gestion d’un stock effondré et potentiel de reconstruction : cas de la dorade rose

Résumé du projet

La dorade rose (Pagellus bogaraveo) était la quatrième espèce de poisson démersal débarquée dans le golfe de Gascogne au cours des années 1960-1970. Le stock s’est effondré dans les années 1980, les captures internationales sont faibles depuis, d’environ 100 tonnes ces dernières années. L’espèce est sensible à l’exploitation du fait de son cycle de vie hermaphrodite protandre (mâle puis femelle).

Le projet DynRose a étudié l’effet de la pêche sur la population de dorade rose en termes de de distribution spatiale et habitat réalisé et l’effet de la faible abondance actuelle du stock sur les pêcheries et le prix au débarquement. Un modèle d’habitat par une approche d’ensemble Species Distribution Modelling (eSDM) ainsi qu’un modèle de budget énergétique (Dynamique Energy Budget) ont été développés. Enfin, deux campagnes d’échantillonnage par ADN environnemental ont été réalisées dans la principale zone d’abondance de l’espèce (pointe Bretagne) permettant d’initier une série poursuivie au-delà du projet.

Contexte

Malgré l’effondrement du stock de dorade rose dans les années 1980, aucune gestion n’a contraint les captures jusqu’en 2003 où des quotas européens ont été introduits pour ce stock considéré couvrir les sous-région 6, 7 et 8 du CIEM. Ces quotas ont été graduellement réduits à 105 tonnes depuis 2020. Il n’y a ni données pour évaluer quantitativement la biomasse du stock ni indicateur pour évaluer sa tendance de sorte que l’application par le CIEM du cadre pour les stocks à données limitées conduit à une recommandation de captures nulles. Le très faible quota français de 4 tonnes depuis 2020 semble bien inférieur à la fraction réellement inévitable des captures accessoires réelles. Les organisations de producteurs (OPs) ont pris des mesures pour s’adapter à ce faible quota, notamment l’interdiction des débarquements par les engins actifs et un système de licences. Néanmoins, l’interdiction des débarquements est problématique dans le cadre de l’obligation à débarquer.

Les travaux génétiques disponibles montrent une différenciation entre les populations de dorade rose des Açores et celles de la côte Portugaise et de Madère (Stockley et al., 2005). En revanche, aucune différentiation génétique n’a été trouvée autour de la Péninsule Ibérique (Piñera et al., 2007). Une nouvelle étude, publiée pendant le projet DynRose par une équipe portugaise et utilisant des échantillons collectés à la pointe Bretagne en 2019 (Robalo et al., 2021) montre la même structure et en particulier pas de différence significative entre les dorades roses de la mer Cantabrique et celles de la Pointe Bretagne. Cela confirme la pertinence d’une seule unité de gestion pour la dorade rose du golfe de Gascogne (y compris mer Cantabrique) et de la mer Celtique.

Il est attendu que la forte contrainte sur les captures et donc la mortalité par pêche de l’espèce permette une reconstitution du stock mais il n’existe pas d’indicateur ou de données permettant de réaliser une évaluation de stock ni de suivre la dynamique de reconstitution. En particulier la campagne de chalutages scientifiques EVHOE, qui produit des indicateurs de biomasse pour de nombreux stocks ne capture que rarement quelques individus de dorade rose (moins de 5 par an) alors que deux campagnes similaires à EVHOE réalisées dans les années 1970 capturaient l’espèce dans environ un tiers des traits. Ainsi la campagne EVHOE reflète le faible niveau actuel du stock et ne donnerait une information utilisable qu’une fois le stock reconstitué bien au-delà de ce niveau. Les pêcheurs rapportent des signes de reconstitution, mais la dynamique de cette reconstitution n’est pas quantifiée. Une campagne acoustique, destinée à estimer la biomasse présente a été réalisée à la Pointe Bretagne en 2019 dans le cadre du projet H2020 Pandora. Cette campagne a permis d’estimer une biomasse de l’ordre de 100 tonnes mais cette estimation présente une forte incertitude, liée notamment à la confusion des espèces, inhérente aux méthodes acoustiques. Dans la zone étudiée la principale confusion est entre la dorade rose et le bar.

Objectifs

Dans le contexte décrit ci-dessus le projet DynRose avait pour objectifs de :

  • Etudier la distribution géographique actuelle de la dorade rose sur la côte Atlantique
  • Analyser l'évolution et l’état des pêcheries et du stock
  • Développer un modèle DEB (Dynamic Energy Budget) d'évaluation de stock et simuler sa dynamique selon la stratégie de gestion en tenant compte de l’hermaphrodisme protandre de la dorade rose

Méthodologie

L’estimation de la distribution géographique a été réalisée par une modélisation d’habitat avec une approche dite ensemble Species Distribution Model (eSDM) où toutes les données d’occurrence géoréférencées disponibles de l’espèce en Atlantique (y compris zone des Açores) et en Méditerranée ont été utilisées conjointement à des données environnementales à la résolution spatiale de 0.05° par 0.05°. La méthode eSDM ajuste plusieurs catégories de modèles d’habitats et utilise des indices statistiques pour estimer le meilleur modèle de compromis. Des cartes d’habitat (habitat suitability maps) puis des cartes de présence-absence binaire dans la grille spatiale à cellules de 0.05 degrés sont alors estimées.

L’analyse de l’évolution et l’état des pêcheries et du stock a fait appel à des analyses statistiques, avec modèle linéaire sur les débarquements et prix au cours de la période 1973-2020. A cause de l’hétérogénéité des données disponibles pour les cinq décennies étudiées des analyses distinctes avec des nombres de variables explicatives différents ont été menées sur les deux périodes 1973-2000 et 2000-2020. Tandis que les années les plus récentes (2006-2020) ont pu faire l’objet d’une analyse plus détaillée prenant en compte les catégories de taille débarquées.

Un modèle DEB permet de produire une description mécanistique et quantitative des flux d’énergie dans un organisme qui assimile et utilise l’énergie pour sa maintenance, sa croissance et sa reproduction tout au long de son cycle de vie (Kooijman, 2009). La théorie DEB vise à décrire comment les flux d’énergie des espèces changent en fonction des conditions environnementales. Le développement du modèle DEB de la dorade rose a requis la compilation de toutes les données biophysiologiques de l’espèce, y compris celles issues des recherches visant le développement de son aquaculture.

Enfin, un plan d’échantillonnage par ADN environnemental de la zone pointe Bretagne a été développé et mis en œuvre sur un navire professionnel local.

Résultats

Neuf prédicteurs d’habitat ont été identifiés pour l’estimation de la distribution géographique par approche eSDM. Ces prédicteurs sont (1) région, (2) type de fond, (3) moyenne et (4) écart-type de la profondeur, (5) maximum de la température de surface, (6) moyenne et (7) minimum de la vitesse du courant, 8) écart-type de la salinité, (9) écart-type de la température au fond. Dans son aire de répartition totale, l’habitat potentiel de la dorade rose inclut les côtes et pentes insulaires des Açores, le plateau continental et la pente continentale supérieure du Nord-Est Atlantique, principalement au sud de 48°nord (golfe de Gascogne) et une large fraction des côtes du bassin occidental de la Méditerranée. Dans le golfe de Gascogne, l’habitat potentiel couvre l’essentiel du plateau continental tandis que l’habitat actuellement occupé (habitat réalisé) est beaucoup plus réduit. Enfin, comme l’habitat potentiel couvre l’ensemble du golfe de Gascogne, cette zone doit être restée adéquate pour l’espèce, qui devrait donc être capable de la recoloniser, et ce malgré les changements environnementaux survenus depuis les années 1980.

L’étude de la dynamique du budget énergétique (modèle Dynamic Energy Budget, DEB) a permis de compiler un grand nombre de données physio-écologiques de l’espèce et de paramétrer le modèle. Comme classiquement dans ce type d’étude, certaines données ne sont pas disponibles pour l’espèce et ont été remplacées par des paramètres correspondant à un organisme type qui permettent d’assurer la cohérence de paramétrage du modèle pour l’espèce. La poursuite de ce travail permettra d’étudier plusieurs aspects non compris de la biologie et la dynamique de la dorade rose dont les facteurs d’un changement de croissance estimé lors du projet H2020-Pandora.

Les pêcheries qui débarquent de la dorade rose ont fortement changé avec un déclin des débarquements issus des engins actifs et des filets fixes. Les métiers de l’hameçons restent les seuls à débarquer l’espèce ces dernières années. Les relations entre les quantités débarquées et les prix de la dorade rose au cours des 50 dernières années ont été comparées à celles observées pour 17 autres espèces exploitées dans le golfe de Gascogne. La dorade rose est aujourd’hui l’espèce la plus chère au débarquement. Les relations prix-débarquements sont similaires pour la dorade rose et les 17 autres espèces quelque soient leur caractéristiques (espèces principales en quantité débarquée, haute valeur, existence d’une production aquacole et proximité taxonomique). L’étude conclut que les prix de la dorade rose et de la plupart des autres espèces étudiées répondent à un système inverse de la demande (où les prix dépendent de la quantité mise sur le marché) plutôt que d’une classique loi de l’offre et de la demande.

Perspectives

Comme prévu dans l’avenant au projet, l’approche DEB n’est pas finalisée et l’aboutissement de cette approche permettra d’étudier plusieurs aspects de la biologie et la dynamique de la dorade rose dont les facteurs du changement de la productivité biologie du stock (croissance individuelle).

Alors qu’une approche par acoustique semblait prometteuse pour un suivi d’abondance locale de la dorade rose à la pointe Bretagne, cette méthode présente des inconvénients, notamment son manque de résolution taxinomique qui la rendent peu opérationnelle pour suivre l’abondance dans le contexte local marqué par une grande diversité des espèces présentes et un environnement où des pêches peu sélectives, au chalut, ne sont pas faisables. Une approche par ADN environnemental a été initiée lors du projet et va être poursuivie pendant les 4 à 5 prochaines années au moins, dans le cadre d’une collaboration avec l’Université de Zurich. Cette poursuite de l’échantillonnage par ADN environnemental devrait permette d’évaluer sa pertinente pour un suivi d’abondance.

Thématique du projet

Connaissance des ressources et des écosystèmes

Statut du projet

Terminé : 15/11/2020 - --/--/--

Porteur du projet

IFREMERIFREMER

Partenaire

Les Pêcheurs de BretagneLes Pêcheurs de Bretagne

Financeur

France Filière PêcheFrance Filière Pêche

Documents à télécharger